Les marquages du SNAFU Special
Dès le retour de l'avion en Normandie, le Team SNAFU s'était préoccupé des marquages à faire sur l'appareil pour lui rendre l'aspect qu'il avait au matin du 6 juin. Une visite à Sainte Mère Eglise, une autre au Bourget et l'entretien que nous avions eu à ce sujet avec Yves Tariel nous avaient convaincus de la nécessité de bien réussir cette opération de finition et de l'importance du travail que cela représentait. Au fil des semaines, alors que la restauration avançait bon train, nous n'avions toujours pas de solution pour ce travail très spécifique.
C'est à l'occasion du dernier chantier de bénévoles que le bon esprit du SNAFU a encore frappé en amenant jusqu'au vieil avion Thierry Perouelle. Thierry avait été contacté par Olivier qui recherchait un groupe de cornemuses pour la cérémonie d'inauguration. Or Thierry préside aux destinées de l'Old Alliance Pipe Band, groupe de sonneurs de cornemuses, qui bien que constitué récemment, jouit déjà d'une excellente notoriété (leur prestation du 7 juin la renforcera encore).
Thierry, après ce contact, a pris connaissance sur internet de l'histoire de l'avion et de son extraordinaire sauvetage en Bosnie-Herzégovine. Il est séduit et propose spontanément à Béatrice de nous faire profiter bénévolement de ses compétences de peintre en lettres.
Bien entendu nous acceptons et dans les semaines qui suivent nous lui faisons parvenir des photos d'époque de l'avion et le détail des multiples inscriptions présentes sur l'avion. Celles ci sont de deux types. D'une part, en noir et en petits caractères les indications techniques apparaissant sur tous les C-47 comme un mode d'emploi à même l'avion. D'autre part l'étoile américaine de part et d'autre de la partie arrière du fuselage, sur l'aile gauche et sous l'aile droite, le 9X du 95th Troop Carrier Squadron à l'avant du fuselage et l'immatriculation 315073 (le 4 de la décennie n'apparaissant jamais) de part et d'autre du plan fixe vertical. Viennent enfin les marquages spécifiques à l'avion, son nickname "the SNAFU Spécial", le surnom du pilote sous la vitre ainsi que sa ville d'origine et "Cal" pour l'Etat de Californie, et surtout le "eight ball" sur la pointe du nez, ce 8 de la boule de billard américain que l'équipage avait fait peindre le 4 juin en même temps que les bandes d'invasion pour signifier leur désarroi d'avoir été changé d'unité et d'aérodrome pour l'opération du D-day.
Fort de toutes ces indications et après avoir pris de nombreuses mesures sur l'avion même, Thierry attendait en cette fin du mois de mai des journées de beau temps sans trop de vent pour se mettre à l'ouvrage. C'est par le nickname de l'avion qu'il commença, comme pour redonner tout de suite son identité d'origine à un vétéran qui en avait tellement changé au fil des décennies. Par un habile système de bandes collantes pré-découpées sur ordinateur, le pochoir était mis en place, puis Thierry, à l'aide d'un pistolet à peinture couvrait l'ensemble de peinture blanche. Quelques minutes de séchage, un décollage minutieux du pochoir et le Douglas 43-15073 n'était plus un simple C-47, il était redevenu "The SNAFU Special". Bien entendu, comme à chaque étape importante, émotion et champagne étaient présents. Dès cet instant, la consigne est donnée, plus de photos de la progression des travaux, surtout sur internet, de façon à ce que nos amis américains aient la surprise totale de l'aspect de l'avion.
Au fil des jours et en fonction du temps (maudites giboulées de mai), Thierry poursuit inlassablement sa mission, photos à l'appui pour être au plus proche de la réalité de juin 1944. Fin mai, tous les marquages sont réalisés, ne manquent plus que les étoiles américaines sur le fuselage et les ailes. Pour le fuselage, c'est mission accomplie dès le 2 juin, mais ce n'est que le 4 juin, quelques minutes avant l'arrivée des deux pilotes du SNAFU que Thierry terminera l'étoile qui orne le dessus de l'aile gauche de l'appareil. Dans le même temps, les Snafoufurieux auront réalisé les bandes d'invasion, un peu à la volée comme en 1944, ne laissant qu'une petite bande blanche sur l'aileron de l'aile gauche à peindre.
Cette tâche symbolique reviendra aux deux pilotes, Eugene M. Noble et Henry D. Moreland, qui à 64 années de distance en ce 4 juin 2008 vont retrouver leur avion.


 
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